Le SHU chez les ADULTES
Le Syndrome Hémolytique et Urémique (SHU) est une maladie rare qui touche principalement les enfants, mais elle peut dans des cas encore plus rare, toucher les adultes.
Dans la majorité des cas, c’est tout d’abord un pronostic de Microangiopathie Thrombotique (MAT) qui est posé. En effet, les MAT représentent un ensemble de pathologies caractérisées typiquement par l’association de trois manifestations :
- une anémie hémolytique mécanique,
- une thrombopénie (baisse des plaquettes)
- et des défaillances d’organes de sévérité variable, pouvant atteindre en particulier le cerveau, les reins ou le cœur.
Dans tous les cas, le diagnostic doit être porté rapidement afin d’organiser une prise en charge spécialisée en urgence.
Il existe plusieurs formes de MAT, mais volontairement nous ne nous intéresserons que par celle qui est développée par les Syndromes Hémolytiques et Urémiques (SHU), dont il faut distinguer plusieurs formes connues à ce jour :
• SHU à Escherichia coli producteur de Shiga-toxine ou STEC+ ou E.coli enterohémorragique (EHEC) également (anciennement SHU typique) il constitue 90 % des SHU notamment chez l’enfant, donc la recherche de STEC est indispensable.
• SHU atypique « primitif » en rapport avec une hyper activation de la voie alterne du complément ou une mutation du gène DGKE.
• Les SHU secondaires à des médicaments, une infection (grippe, VIH, pneumocoques…), des pathologies auto immunes ou cancéreuses, ou après greffe d’organe ou de cellules souches hématopoïétiques et gammapathie monoclonale ou au cours de la grossesse ou du post partum.
• Les SHU d’origine métabolique (déficit en Cobalamine C).
Ces SHU sont à distinguer du purpura thrombotique thrombocytopénique ou PTT, qui est lié à un déficit en ADAMTS-13, enzyme clivant les formes natives de haut poids moléculaire du facteur de Willebrand.
Physiopathologie :
Devant une suspicion de syndrome de MAT, il est nécessaire de rechercher cliniquement des éléments immédiats de gravité, comme en particulier une défaillance d’organe : déficit d’un membre, symptômes neurologiques, troubles de la parole, convulsion ou trouble de la vision transitoire ou hypertension artérielle sévère résultant le plus souvent d’une insuffisance rénale sévère. Un syndrome douloureux abdominal peut traduire une atteinte intestinale ou pancréatique, ou une perforation digestive. L’ictère (jaunisse) est en rapport avec l’hémolyse (destruction des globules rouges présents dans le sang) .
Il faut également rechercher des symptômes cliniques en faveur d’un processus infectieux (diarrhée glairosanglante, tableau d’allure grippale, infection des voies aériennes supérieures) dans les jours précédant le diagnostic de SHU. Le tableau clinique peut associer un syndrome anémique ainsi qu’un syndrome hémorragique se traduisant par un purpura thrombopénique (boutons rouges sur la peau, à l’intérieur de la bouche, ecchymoses après des blessures très légères, saignements des gencives, règles très abondantes), des ecchymoses (tâches noires ou bleues sur la peau) ou un saignement viscéral.
Le SHU typique associé à une infection à entérobactérie survient quelques jours après un épisode de colite à E. coli (E. coli O157 : H7 le plus souvent) ou à Shigella dysenteriae.
Parallèlement, les toxines produites par ECEH (appelées Shiga-toxines en raison de leur ressemblance avec celles produites par Shigella dysenteriae ou Bacille de Shiga) détruisent la paroi des vaisseaux sanguins et causent des problèmes de coagulation ainsi que d’hypertension artérielle. Chez 10% des personnes infectées, la dissémination des Shiga-toxines provoque un syndrome hémolytique et urémique (SHU), et dans un pourcentage encore plus rare, peut-être mortel. Ce dernier est caractérisé par une atteinte de la fonction rénale et par une baisse de la concentration des cellules sanguines (globules rouges et plaquettes). Un quart des personnes souffrant de SHU développe aussi des complications neurologiques qui peuvent aboutir à un état de coma. Des séquelles rénales pouvant conduire à une insuffisance rénale chronique plusieurs années après l’épisode de SHU s’observent aussi fréquemment.
Un SHU peut être observé à tout âge, mais le SHU STEC+ est surtout fréquent chez l’enfant, dès l’âge d’un mois. En effet, pour infecter un enfant, il faut environ 500 bactéries, alors que pour infecter un adulte, il faut environ 10 millions de bactéries.
D'où provient la bactérie ?
Les intestins des bovins constituent le principal réservoir de la bactérie Escherichia coli .
La contamination de l’aliment provient le plus souvent d’une hygiène défectueuse lors de la traite ou de l’abattage des animaux.
Les viandes hachées constituent le risque majeur en raison d’une possible contamination à cœur par ces bactéries lors de l’opération de hachage.
Mode de contamination :
La contamination est le plus souvent alimentaire : ingestion d’un aliment consommé cru ou peu cuit.
La viande de bœuf, en particulier hachée, est le plus souvent la cause car c'est celle qui est le plus souvent hachée. Mais toutes les sortes de viande peuvent être concernées.
Le réservoir naturel des ECEH étant principalement le tube digestif des bovins, les produits alimentaires concernés sont généralement la viande crue ou insuffisamment cuite.
La contamination peut également survenir lors de la traite ou l’abattage de ces animaux.
Le lait cru et les produits à base de lait cru sont également impliqués, certaines charcuteries, de même que de façon plus exceptionnelle, la consommation de légumes crus ou d’eau non traitée (eau de puits par exemple) contaminés par des déjections animales.
Une transmission inter-humaine par transmission oro-fécale au sein des familles ou des collectivités est possible par défaillance des mesures d’hygiène.
Les contacts directs avec des animaux contaminés ou leurs déjections peuvent également être en cause. Il est à noter que la dose infectante est très faible.
Les eaux de baignade dans des lieux fermés, suivant la météo, la température de l'eau qui permet la prolifération des bactéries.
Traitement :
La plupart des antibiotiques sont déconseillés pour traiter les infections à ECEH. En détruisant les bactéries, ces derniers entraînent la libération de Shiga-toxines dans l’organisme, ce qui peut aggraver le SHU. Cependant, des traitements à base de certains antibiotiques, comme l’azithromycine, n’entraînant pas le relargage de ces toxines sont en cours d’évaluation. En attendant leurs résultats, la stratégie thérapeutique du SHU consiste à compenser les déficiences occasionnées par les Shiga-toxines (chute des globules rouges, des plaquettes, atteinte rénale) par transfusion, dialyse, et échanges plasmatiques. L’hypertension artérielle est également prise en charge.
Les épisodes diarrhéiques sont, quant à eux, traités de manière symptomatique : les patients sont réhydratés, mais ne prennent pas d’anti-diarrhéiques, afin de permettre l’élimination de la bactérie et de ses toxines dans les selles.
Prise en charge thérapeutique :
La prise en charge d’un patient atteint de SHU est multidisciplinaire, et coordonnée par un médecin hospitalier.
L’accès à un plateau technique complet est indispensable (ex. Réa – dialyse – cardio -…) en lien avec un centre de référence ou un centre de compétence et ses correspondants de différentes spécialités.
Les objectifs sont :
• De mettre en route en grande urgence le traitement adéquat, et d’éviter une morbi mortalité supplémentaire liée au retard au diagnostic et à la mise en route du traitement.
• D’obtenir une rémission complète rapidement.
• D’évaluer le risque de rechutes et de prévenir celles-ci.
• De limiter et de réduire les séquelles liées à la maladie.
• De limiter les effets indésirables et les séquelles liés aux traitements.
• De favoriser une réinsertion socio-professionnelle rapide au décours de l’épisode de SHU.
L’information des patients et de leur entourage sur la maladie, le risque de rechutes et les manifestations qui doivent constituer des signes d’alerte fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique.
Prévention et recommandations :
Les connaissances actuelles ne permettent pas de réduire l’incidence de ECEH (Escherichia Coli Entérohémorragiques) au sein des élevages bovins. En revanche, via des tests, il est possible de déterminer si un animal est porteur de la bactérie. Le cas échéant, la viande peut subir un traitement bactéricide qui consiste à la chauffer ou à l’irradier. Ces techniques, bien qu’étant efficaces, ne garantissent pas systématiquement l’absence de ECEH dans les aliments. Pour se prémunir efficacement de ces infections, il faut respecter l’application de pratiques d’hygiène strictes tout au long de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur.
Le personnel impliqué dans la production et la préparation de produits végétaux et animaux crus doit être formé aux bonnes pratiques d’hygiène.
Concernant les consommateurs et les cuisiniers, il est possible d’éviter la plupart des infections par ECEH en respectant les recommandations suivantes :
- cuire à cœur la viande hachée de bœuf. Pour cela, il faut s’assurer que la viande est cuite au centre et qu’elle n’est plus rosée ;
- et rappeler encore ici qu’il vaut mieux éviter d’en donner aux enfants de moins de 5 ans, personnes âgées et malades ; tout comme les jeunes enfants doivent éviter de consommer des fromages au lait cru ;
- La viande hachée par le boucher à la demande doit être consommée dans la journée, et les steaks hachés surgelés ne doivent pas avoir subi une rupture de la chaîne du froid ou une décongélation ;
- laver les fruits, les légumes et herbes aromatiques surtout s’ils sont consommés crus ;
- se laver les mains avant de préparer les repas et aussi souvent que nécessaire ;
- veiller à l’hygiène du matériel en cuisine, notamment lorsqu’il a été en contact avec de la viande crue, afin d’éviter les contaminations croisées ;
- séparer les aliments cuits des aliments crus ;
- éviter le contact de très jeunes enfants (moins de 5 ans) avec les animaux de ferme, notamment les bovins, ovins et leur environnement ;
- ne pas boire d’eau non contrôlée sur le plan microbiologique (puits, source) ;
- La chaîne du froid doit être respectée.
Épidémiologie :
Les ECEH peuvent être à l’origine de Toxi-Infections Alimentaires (TIA) graves. La première souche de ECEH a été isolée lors d’une flambée de TIA survenue aux Etats-Unis en 1982. L’épidémie avait été provoquée par des hamburgers dont les steaks hachés étaient insuffisamment cuits. Depuis, les ECEH ont engendré de nombreuses autres flambées épidémiques et représentent donc un problème de santé publique.
En 1996, le Japon a connu une importante épidémie de TIA provoquée par le sérotype O157:H7. Suite à la consommation de graines germées de radis, 9578 cas ont été recensés. En 2011, une souche de ECEH appartenant au sérotype O104:H4 a provoqué un épisode comparable en Europe. À la fin de l’épidémie, dont le foyer initial était l’Allemagne, les autorités sanitaires européennes faisaient état de plusieurs milliers de personnes contaminées et de 50 décès [1]. Des graines germées de fenugrec étaient la source de cette épidémie européenne.
L’incidence des infections par ECEH est variable selon les classes d’âge. Elle atteint son maximum chez les enfants de moins de 3 ans.
En France une surveillance nationale de ces infections a été initiée en 1996. Elle est basée sur la surveillance des cas de SHU chez l’enfant de moins de 15 ans et repose sur une notification par les services hospitaliers pédiatriques à Santé publique France [2]. En 2019, 71 % de ces cas de SHU pédiatriques étaient âgés de moins de trois ans. Le taux d’incidence observé dans cette classe d’âge (5,8/100 000 habitants en 2019) était le plus élevé depuis le début de la surveillance en 1996. Des disparités régionales sont observées pour le taux d’incidence annuel. En 2019, les taux d’incidences régionaux les plus élevés ont été observés en Corse (3,9/100 000 habitants), en Auvergne-Rhône-Alpes (3,3/100 000 habitants) et en Occitanie (2,4/100 000 habitants).
La plus grande épidémie à ECEH observée en France est survenue en 2005. Elle avait été causée par des steaks hachés surgelés contaminés par ECEH O157:H7. Soixante-neuf cas, dont 57 enfants âgés de moins de 13 ans, avaient été identifiés. En 2018 et en 2019, deux petites épidémies (de 14 à 17 cas) sont survenues chez des enfants de moins de 5 ans. Ces épidémies étaient toutes deux liées à de la consommation de fromages au lait cru contaminés par ECEH O26:H11 [3].
Il est à noter que des épidémies chez les adultes ne sont pas à écarter. Dans le cas de l’épidémie européenne à ECEH O104:H4 survenue en 2011, 70% des cas étaient des adultes de sexe féminin. Cette répartition inhabituelle des cas pouvant s’expliquer par la nature de l’aliment contaminé (graines germées).
Conclusion :
Les syndromes de MAT ont largement bénéficié ces dernières années des avancées réalisées dans le domaine de la physiopathologie. Ces connaissances permettent d’améliorer la prise en charge et de ce fait, le pronostic des MAT, en permettant l’utilisation de thérapeutiques originales directement basées sur les mécanismes physiopathologiques responsables de ces pathologies. La poursuite de l’amélioration de la prise en charge des MAT passe maintenant par une meilleure sensibilisation des praticiens à ce diagnostic et à la prise en charge en urgence. Dans ce contexte, l’urgentiste et le réanimateur ont un rôle important.
Dans la plupart des témoignages recueillis par les patients, une banale gastro-entérite a malheureusement été diagnostiquée, c’est pour cette raison qu’il faut pouvoir communiquer auprès de la population et de toutes les institutions médicales et élargir nos actions sur le plan national.
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Sources :
Dossier syndrome hémolytique et urémique - Santé Publique France
Escherichia coli, Shigella, Salmonella - Institut Pasteur/centre national de référence
Les Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC) - Connaître la bactérie pour éviter les intoxications
Anses
PNDS Le Syndrôme Hémolytique et Urémique Février 2021
Dossier Science Réanimation ELSEVIER
SFAR Microangiopathies thrombotiques
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Microangiopathies thrombotiques Docteurs Paul Coppo et Chantal Loirat
Microangiopathies thrombotiques quand le temps presse médecine interne générale
SHU de l’adulte Hôpitaux universitaires de Strasbourg Service de Néphrologie Dr Bruno MOULIN
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